Cela vous est probablement déjà arrivé : croiser la route d’un animal apeuré longeant seul une nationale, voire découvrir un chien (ou un chat) tétanisé dans un fossé. Immédiatement, vous n’avez qu’une idée : le secourir. Cependant, cet acte, aussi valeureux soit-il, n’est pas forcément à la portée de tout le monde.
« Avant toute intervention, vous devez vous imposer un recul émotionnel, conseille David Roussin, président et formateur de Huma-nimal. Demandez-vous : “Suis-je capable d’y aller ? Seul face à un animal éventuellement blessé, n’aurai-je pas peur ?” Cette question est cruciale, n’écoutez pas votre cœur sans réfléchir, soyez réaliste ! Pourrez-vous dominer votre stress et votre peur ? L’animal, lui, va les ressentir. Il risque soit de s’enfuir et peut-être de créer un accident, soit d’attaquer. » Prenez le temps de la réflexion et observez la situation en restant où vous êtes. Gardez un maximum de distance avec l’animal, car un mouvement peut le faire fuir ou entraîner une interaction à laquelle vous n’êtes pas préparé.
Ne pas y aller, ce n’est pas ne rien faire !
« Si vous décidez de ne pas intervenir, ne culpabilisez surtout pas ! Ce n’ est pas un échec, vous avez le droit de ne pas agir, souligne David Roussin. C’est un comportement mature d’ admettre que vous n’ êtes pas en mesure de le secourir sans générer de risques. Ne vous imposez jamais d’agir si vous ne le sentez pas. » Ne pas secourir physiquement un animal ne signifie pas ne rien faire. « Faites une photo, puis délimitez une zone pour le protéger en évitant que des gens ne s’ approchent. Enfin, appelez les services d’urgences ( 112, 17, police municipale) qui seront aptes à intervenir », poursuit le président d’Humanimal. Si vous êtes près d’une route, n’oubliez pas que seules la gendarmerie et la police peuvent interrompre la circulation. Si vous le faites, vous devrez assumer votre geste.
Connaître les zones d’interaction sociale
« Avant toute intervention, vous devez être conscient des risques et connaître ce que le biologiste suisse Heini Hediger appelle les “zones d’interaction sociale” (voir schéma ci-dessous) », explique David Roussin. Elles sont au nombre de trois :
La zone de sécurité ou de fuite : elle commence à 10 m pour le chien et à 1 m pour le chat. Si vous y entrez, deux options se profilent : l’animal s’enfuit ou alors se rapproche, ce qui peut être le cas du chien qui est sociable, mais jamais du chat. Dans cet espace, vous devez être attentif à ses comportements, car il va communiquer avec vous en émettant des signaux d’alerte (voir encadré). Ces signes sont capitaux. Vous devez les décoder, car généralement l’animal vous dit de ne plus avancer. A vous de voir si vous continuez ou non.
La zone critique : pour le chien, elle s’étend de 1,5 m à 3 m. Pour le chat, elle commence à 50 cm. Si l’animal n’a pas la possibilité de fuir, il passe à l’attaque. D’autant plus s’il vous a envoyé des signaux disant de ne pas approcher.
Décider de reculer
Vous êtes entré dans la zone de fuite, vous avez décodé les signaux d’alerte envoyés par l’animal et vous décidez judicieusement de stopper votre action. « Face à un chien, ne lui tournez jamais le dos pour repartir, car ce comportement réveille chez lui la prédation. Ayez toujours un œil sur lui sans le regarder dans les yeux, puis reculez tranquillement pour vous éloigner de la zone. Face à un chat, reculez en restant sur vos gardes. Tant que vousn’avez pas quitté la zone de sécurité, vous êtes sur son territoire et il peut attaquer. Hors de la zone, pensez à prévenir les services d’urgences. »
Se protéger pour approcher
Si, malgré les signaux d’alerte, vous poursuivez votre déplacement en direction de la zone critique, « faites-le sans courir, en avançant par le côté, jamais de face, ni par l’arrière, avertit l’expert. Ne regardez jamais le chien dans les yeux et surtout contrôlez votre intonation ! Parlez à voix haute sur un ton neutre, sans crier – synonyme d’agression – et sans être dans les aigus -synonyme d’intimidation. Ce timbre monocorde vous déstressera ainsi que l’animal. » A mi-chemin, tendez votre main. Si l’animal est calme et recherche le contact, vous pouvez le toucher. Mais jamais la tête (zone de positionnement social) ni le cou (zone de prédation) avec le chien, et jamais le cou avec le chat. Pour éviter toutes mauvaises interprétations, préférez un contact par l’épaule. David Roussin tient à préciser : « N’oubliez pas que la douleur – si l’animal est blessé -ou le stress peuvent modifier son comportement. Ne baissez donc pas la garde, même et surtout s’il s’agit de votre animal égaré quevous récupérez quelque part. »
La vétérinaire comportementaliste anglaise Kendal Shepherd, experte en analyse du stress chez le chien, l’explique clairement : « La douleur transforme souvent la séance de fuite en attaque. » Si, face à votre main tendue, l’animal enchaîne les signaux d’alerte, mais que vous ne les écoutez pas et que vous avancez, faites-le avec des protections afin de limiter les griffures et les morsures sur les zones vitales. « Face à un chat, protégez-vous le cou et la tête, informe David Roussin. Prenez des gants en cuir ou utilisez un blouson épais en remontant vos mains dans les manches. Dans tous les cas, n’approchez jamais un animal bras nus. » Puis saisissez le chat par la peau du cou en maîtrisant aussi ses pattes et placez-le dans une caisse de transport ou un carton. « Face à un chien, protégez votre cou avec une écharpe, enfilez des gants en cuir, puis enroulez un blouson ou une serviette épaisse autour de votre bras moteur pour réaliser une sorte de “manchette” protectrice. Lorsque le chien va bondir pour vous mordre, essayez de placer cette “manchette” dans sa gueule, afin d’éviter qu’il vous morde ailleurs. »
Si vous êtes dans cette position, ne stimulez pas le chien. « Dans 90 % des cas, un sauvetage se passe bien si les signaux d’alerte sont compris et respectés. Vous devez accepter que l’animal puisse refuser votre aide, votre sécurité en dépend », conclut David Roussin.
Les signaux d’alerte envoyés par le chien
Détournement du regard ou du corps, léchage de truffe, clignement des yeux, bâillement, poils dorsaux hérissés, oreilles aplaties, corps raide vers l’avant, queue touchant le dos avec des mouvements rapides, babines retroussées, grognements, regard fixe avec pupilles dilatées…
Les signaux d’alerte envoyés par le chat
Détournement du regard ou du corps, léchage de truffe, d’épaule ou de patte, ronronnement, posture arrière recroquevillée et prêt à bondir, queue basse avec des mouvements saccadés, dos arqué et corps gonflé, pas de côté, babines retroussées, feulements, oreilles aplaties vers l’arrière, regard fixe, pupilles dilatées…
Pour info
Un animal divagant est identifié (puce, tatouage), mais se déplace sans son maître.
Le propriétaire est responsable de tout accident qu’il pourrait générer (art. 1385 du code rural).
Un animal est dit « errant » lorsqu’il est non identifié. La responsabilité pénale du maire est engagée en cas d’accident.